Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 5 avril 2022

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Deux communications courtes :
-  Jean-Michel Lassure, Pommevic (Tarn-et-Garonne). Un lot de céramiques de la seconde moitié du XVIIe siècle

Ce lot de céramiques provient du remplissage d’un silo découvert en 1988 au cours de travaux de transformations réalisés dans la mairie de Pommevic. Deux double tournois de Louis XIII frappés respectivement en 1639 et 1643 orientent vers une datation de la seconde moitié du XVIIe siècle. A côté de quelques pièces à glaçure plombifère d’usage culinaire (marmite, coquemars), il est pour l’essentiel constitué par de la vaisselle de table (écuelles à oreilles, assiettes, jattes) dont le décor peint sur engobe blanc est surmonté par une glaçure plombifère . Les oxydes de cuivre et de manganèse ont le plus souvent été utilisés pour sa réalisation mais il a été parfois fait appel à l’oxyde de cobalt. Les motifs utilisés indiquent qu’il s’agit de productions d’ateliers situés dans la région de Lavit-de-Lomagne.

Légende de l’illustration jointe ; Pommevic. Mairie. Ecuelle à décor phytomorphe

- Virginie Czerniak, Iohannes Oliveri. Un peintre toulousain en Navarre au XIVe siècle
En 1330 ou 1335, un certain Juan Oliver ou Jean Olivier réalise les compositions peintes du réfectoire de la cathédrale de Pampelune. D’autres décors monumentaux peuvent lui être attribués en terre navarraise – les peintures des églises de San Julian de Ororbia et de San Adrian de Olloki ainsi que celles de l’église El Crucifijo de Puente la Reina – mais que connait-on de ses origines et de sa formation ? Nous ferons le point sur les caractéristiques stylistiques de son travail, les données archivistiques à notre disposition et nous chercherons à définir son rôle au sein de ce que l’historiographie navarraise appelle l’École de Pampelune.

Présents : Mme Czerniak Présidente, Péligry Bibliothécaire, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Andrieu, Bessis, Fournié, Watin-Grandchamp ; MM. Cazes, Lassure, Peyrusse, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Machabert, Rolland ; MM. Kérambloch, Mattalia, membres correspondants.
Invité : Scott Sanders (professeur de littérature française au Dartmouth College)
Excusés : Mmes Caucanas, Cazes, Lamazou-Duplan, MM. Ahlsell de Toulza, Garland, Garrigou Grandchamp, Sournia, Tollon.

En ouvrant la séance, la Présidente fait un accueil chaleureux à notre invité Scott Sanders, de passage à Toulouse, spécialiste du théâtre et de l’opéra français du XVIIIe siècle, enseignant au Dartmouth College, dans la ville de Hanover, dans l’État du New Hampshire.

Au titre des courriers reçus, elle nous annonce ensuite un retour de la Fondation du Patrimoine à notre lettre concernant le domaine de Scopont. La réponse nous a été envoyée par Célia Vérot, directrice générale de la Fondation.

Madame la Présidente,
je vous remercie d’avoir alerté les partenaires de la Mission Patrimoine portée par Stéphane Bern et soutenue par la fondation du Patrimoine, sur les besoins de restaurations du domaine de Scopont à Maurens-Scopont, en particulier son pavillon néo-gothique commandité par le marquis de Castellane en 1811. Je suis sensible à la riche histoire de ce domaine construit au XVIe siècle et à la démarche de son propriétaire Monsieur d’Ingrando, qui ouvre régulièrement au public le parc arboré. Les liens qui unissent ce site avec les Musées des Augustins et des Jacobins à Toulouse ainsi qu’avec la Société archéologique du Midi de la France, dont vous êtes la Présidente, démontrent les nombreuses richesses historiques et artistiques de cet ensemble architectural qui doivent être préservées et mises en valeur. Mes équipes se sont rapprochées de M. Bernard d’Ingrando, le propriétaire, ainsi que de l’Association « Renaissance » du château de Scopont, afin d’examiner plus avant cette candidature à la Mission Patrimoine. Soyez assurée qu’elle sera étudiée avec attention au regard du péril avancé du château, du pavillon romantique et de l’orangerie. J’ai également informé de cette démarche M. Bernard Cassagnet, délégué régional Occitanie-Pyrénées de la fondation du Patrimoine pour qu’il accompagne au mieux ce projet. Restant à votre disposition pour toute information supplémentaire…

Virginie Czerniak se réjouit de voir que la Société a participé à l’amorce du processus. Nous verrons si le dossier sera retenu.
Un autre courrier émanant du Musée Clément Ader nous a été envoyé. Ce Musée organise une exposition temporaire intitulée Pierre Fons, poète murétain, (mai-septembre 2022) et, qui, à ce titre, souhaiterait bénéficier du prêt du portrait de François Tresserre par Myriam Rocher, tableau qui se trouve actuellement dans notre salle de lecture. Louis Peyrusse fait remarquer que cette peinture ne nous appartient pas, c’est l’Académie des Jeux Floraux qui en est propriétaire. Celle-ci avait cependant abandonné ce tableau au fond d’une cave ; c’est notre trésorier qui l’a récupéré et fait restaurer, aux frais de l’Union. Il suffit selon lui de contacter M. Pech pour en effectuer le prêt dans les règles.

La Présidente laisse ensuite la parole à Louis Peyrusse pour nous présenter une nouvelle acquisition de la Société. Celui-ci a été en effet alerté par Jérôme de Colonges de Primardeco de la mise en vente d’une série de dessins toulousains :
-  un grand dessin aquarellé représentant la salle de lecture de la bibliothèque municipale de Jean Montariol. L’établissement possédant une œuvre équivalente, ce dessin est reparti dans le circuit commercial.
-  un dessin de l’élévation latérale de la cathédrale d’Auch (Montariol ayant été architecte en chef des Monuments Historiques du Gers). Il a été acquis par les A. D. du Gers.
-  deux dessins de Bénézet (datés de 1878) préparatoires à la décoration de la chapelle Sainte-Germaine à la cathédrale de Toulouse (en mauvais état).
o sainte Germaine en train d’enseigner l’Évangile aux petits enfants (scène déjà peinte pour une église de Loubens-Lauragais).
o L’Apothéose de sainte Germaine avec une belle série d’anges.
Louis Peyrusse rappelle que Bénézet a été membre de notre société jusqu’à sa mort en 1897. Pour ces dessins, il avait contacté les responsables du Musée Paul-Dupuy qui lui ont déclaré ne pas être intéressés alors qu’ils ont en leur possession deux dessins du cycle correspondant. Il a donc sollicité notre Trésorier pour l’achat de ces œuvres.
La Présidente se réjouit de cette acquisition et propose de faire restaurer les dessins et de les exposer éventuellement dans notre salle des séances. Daniel Cazes tient à féliciter l’ancien Président et notre trésorier pour cet achat, il est tout à fait, pense-t-il, dans l’esprit de notre Société, et particulièrement avec le souvenir de Bénézet qui a été un membre très actif et un théoricien de l’art, profil assez rare parmi les membres. Évidemment ses écrits sur l’art toulousain peuvent faire sourire aujourd’hui mais ils sont très intéressants lorsqu’on les replace dans leur contexte.

Virginie Czerniak prend ensuite la parole pour la première communication courte : Johanes Oliveri, un peintre toulousain en Navarre au XIVe siècle. Celle-ci ne sera pas publiée, parce qu’elle est issue des travaux sur l’exposition Toulouse au XIVe siècle (qui sera inaugurée le 22 octobre 2022 au Musée national du Moyen Âge de Cluny à Paris).
Revenant sur les caractéristiques du style du peintre toulousain, Louis Peyrusse s’étonne de la façon dont sont traitées les moustaches : inexistantes sous le nez, elles naissent sur les courbes de la lèvre supérieure. Dominique Watin-Grandchamp note que le menton est aussi peint d’une façon très particulière. Nicole Andrieu relève encore l’expression inquiète rendue admirablement sur le visage de Nicodème. Virginie Czerniak évoque enfin la force de l’expressivité qui émane de la Sainte-Face, qu’elle promet de nous commenter à l’inauguration de l’exposition. Au départ rappelle-t-elle, il était envisagé de faire venir le grand panneau déposé provenant du réfectoire canonial de la cathédrale de Pampelune et le Musée de Navarre, bien que très réceptif au projet, a dû refuser car le panneau est encastré dans le mur d’une de ses salles. Les responsables du musée ont donc proposé de prêter la peinture de la Sainte-Face qui est aujourd’hui dans les réserves. Celle-ci, conçue pour manifester la présence du Christ, est extraordinaire, elle présente des petits défauts, de légères asymétries qui évoquent un véritable portrait, naturellement canonique et exprimant une présence singulière. Daniel Cazes note qu’en montrant un certain nombre de décors peints, l’état de conservation a été largement commenté, et il est frappé de voir la différence entre les œuvres très usées où l’on n’a guère que le dessin à étudier, pour essayer d’apprécier la représentation, et celles de San Julian de Ororbia où l’on a des œuvres « en chair », avec les détails et les ombres de la carnation. On se demande alors, puisque l’on est dans le milieu avignonnais, quelle est la part de l’influence italienne. Car il ne s’agit pas d’une peinture de style purement gothique comme on en trouve dans le nord de la France, on sent qu’il y a autre chose. Il en est de même à Toulouse, à la chapelle Saint-Antonin et à l’église des Augustins répond la Présidente. Par ailleurs, Daniel Cazes est très convaincu par les rapprochements faits avec les statues de la chapelle de Rieux qui posent la même question : il ne s’agit pas d’œuvres purement gothiques, il y a quelque chose dans la qualité de l’expression qui nous amène vers l’Italie centrale, la Toscane. Virginie Czerniak ressent également cette influence, notamment sur les peintures de l’église des Augustins, mais ne saurait dire par quel truchement elle s’est effectuée. Le style parisien transparaît également par les arcatures trilobées et d’autres détails. Elle suppose cependant que la peinture sur manuscrits a pu être le moyen de diffuser ce courant italianisant, y compris à Paris, où sont introduits, avec Jean Pucelle, Jean Lenoir et d’autres enlumineurs de la capitale, les innovations picturales venant d’Italie. Les peintres italiens à Avignon sont arrivés après, ils ne sont donc pas à l’origine de ce courant. À Toulouse, le rapport au livre dans les peintures est évident ce qui permet de mettre le rôle des manuscrits en avant. Daniel Cazes évoque encore les écrits de Robert Mesuret qui attribuait plus d’œuvres à ce Jean Olivier. Il ne se souvient plus très bien lesquelles. Virginie Czerniak dit qu’il lui attribuait notamment celles de Notre-Dame du Taur et répond que ces œuvres montrent une autre façon de peindre, plus luxueuse avec des éléments à la feuille d’or, mais il est clair que ce n’est pas le même artiste. On lui avait également attribué les peintures d’Artajona ajoute Daniel Cazes, et là on peut établir un lien institutionnel (Saint-Sernin) avec Toulouse. Il y a effectivement un lien, répond la Présidente mais ce n’est pas non plus le même artiste. Il y a le maître d’Artajona et celui d’Olite qui sont deux artistes distincts mais qui puisent indubitablement au même substrat. Un colloque organisé par notre confrère Fernand Peloux sur les reliques de saint Jacques va être organisé en octobre 2023 et, et à cette occasion, il sera question des peintures d’Artajona déposées au Musée de Navarre. Michelle Fournié conseille à Virginie Czerniak de consulter la thèse récente de Nicolas Sarzeaud qui traite des Saints-Suaires. Il s’agit d’un travail d’historien étudiant l’image et sa reproductibilité, en particulier lorsqu’elle est miraculeuse. Ses réflexions peuvent donner des pistes intéressantes pour étudier la Sainte-Face. On pourra en outre y trouver une bibliographie récente sur le sujet. I semble par ailleurs que certaines sont encore conservées en Italie, en particulier les deux Saintes-Faces miraculeuses de Rome, auxquelles on a pu faire référence. Enfin, poursuit-elle, il est peut-être intéressant de noter qu’à l’époque du grand Schisme, il y a eu une sorte de concurrence entre la papauté avignonnaise et celle de Rome, les uns s’appuyant plutôt sur les Saints-Suaires et les autres sur les Saintes-Faces. La localisation initiale de celle qui est conservée au Musée de Navarre est très intéressante reprend la Présidente, puisqu’elle était en hauteur dans une chaire. On peut donc imaginer le chanoine faisant lecture à ses confrères, qui mangent sous le grand panneau qui relate le sacrifice christique, ce qui confère à ces repas communautaires une dimension eucharistique. En accédant à cette chaire, elle a pu voir le reste du décor de vair qui recouvrait les parties basses, qui n’avait pas été déposé. Patrice Cabau demande quelles sont les informations données par la bordure héraldique du grand panneau. Virginie Czerniak répond qu’on y voit les armes de Foix, d’Évreux et de Navarre et des armes épiscopales qui confortent la datation, à savoir juste après les liens établis entre les Capétiens et les Navarrais inaugurés par le mariage de Jeanne de Navarre et de Philippe le Bel. Le commanditaire de la peinture est Pierre d’Estella, archidiacre de Saint-Pierre d’Osuna et c’est le chapitre qui finance vraisemblablement la peinture. Ce qui est intéressant, ajoute-t-elle, c’est que les autres églises décorées de peintures présentées dans la communication sont systématiquement liées au milieu canonial, ce sont donc les chanoines de la cathédrale qui sont les maîtres d’ouvrage des différentes commandes de Jean Olivier, ce qui est cohérent puisqu’il est présenté comme le peintre de Pampelune. Il existe cependant depuis un siècle, reprend Patrice Cabau, des relations étroites entre le chapitre cathédral de Pampelune et le chapitre cathédral de Toulouse. L’archidiacre de Pampelune étant archidiacre ou prévôt à Toulouse. Ainsi, en 1204, un des archidiacres de Pampelune était-il prévôt de Toulouse.

La Présidente donne enfin la parole à notre confrère Jean-Michel Lassure pour une communication courte : Pommevic (Tarn-et-Garonne) un lot de céramique de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Elle remercie l’orateur pour cette présentation intéressante et demande si, en dehors de l’oxyde de cobalt qui a été utilisé pour la couleur bleue, on connaît les composantes des couleurs jaune et verte, puisqu’il semble que la palette chromatique tourne autour de ces trois couleurs. Il s’agit de l’oxyde de cuivre, répond notre confrère, l’oxyde de manganèse et de l’oxyde de cobalt qui a vite été abandonné à Cox parce qu’il était coûteux à l’achat, alors qu’il reste utilisé en Lomagne au XVIIe siècle. À l’origine, les poteries de Cox devaient leur succès à l’utilisation de l’oxyde de cobalt, et sur certaines pièces, le bleu dominait. Par la suite cette couleur a été abandonnée car on voulait étendre le marché avec des productions à meilleur coût. Sur les pièces présentées reprend la Présidente, le bleu est utilisé de façon parcimonieuse. En effet, répond notre confrère, cela est dû à son coût, et concernant les productions de Cox, on ne sait pas d’où provient le cobalt. Virginie Czerniak demande encore si le lot de Pommevic provient des ateliers de Lomagne ou si des vestiges indiquent l’existence d’un autre lieu de production. Jean-Michel Lassure répond que les ateliers de la Lomagne de cette époque sont désormais bien connus, les céramiques trouvées à Pommevic constituent un lot acheté et utilisé dont on s’est débarrassé après cassures. On sait également désormais que ces céramiques produites en Lomagne ont été exportées vers le Canada ainsi que d’autres sites nord-américains. Jérôme Kérambloch demande si dans l’épave du Guillaume de Machault les céramiques sont uniquement des productions de Giroussens. Elles proviennent des ateliers de la Lomagne et de ceux de Giroussens répond le conférencier, les décors indiquent cependant une époque tardive.

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