Société Archéologique  du Midi de la France
FacebookFlux RSS

Séance du 12 octobre 2021

separateur
traditio_legis_me_148-3.png

Communication de Céline Ledru : Le décor des astragales des chapiteaux de la Daurade (deuxième atelier) .
Le deuxième atelier de Notre Dame de la Daurade de Toulouse a œuvré entre 1120 et 1130 à la sculpture des chapiteaux du cloître du prieuré de la Daurade. Le cloître a été détruit au XIXe siècle. Une partie des chapiteaux historiés sont conservés au musée des Augustins de Toulouse.
Ayant constaté une erreur de description sur le chapiteau représentant la Transmission de la Loi, la question de l’identification de la scène se pose.
La communication présentera une hypothèse d’interprétation des éléments considérés comme ornementaux des abaques des chapiteaux, en s’appuyant sur une méthode statistique. Ces hypothèses permettent de réexaminer l’identification de la scène représentée sur le chapiteau n° inv. Me 148.

 


Présents : M. Peyrusse Président, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Cabau, Secrétaire général, Mme Napoléone Secrétaire-Adjointe ; Mmes Fournié, Jaoul ; MM. Catalo, Cazes, Testard, membres titulaires ; Mmes Ledru, Rolland ; MM. Kérambloch, Mattalia, Rigault, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Czerniak, Pradalier et Viers, MM. Balty, Garland, Garrigou Grandchamp, Péligry, Scellès, Sournia, Surmonne et Tollon.
Invité : M. Alexandre Mille, conservateur du patrimoine et paléontologue au Museum d’Histoire naturelle de Toulouse.

Le Président ouvre la séance en saluant Hortense Rolland récemment élue membre de notre société et Alexandre Mille, notre invité et poursuit par les informations diverses. Il informe les membres que la bibliothèque municipale, bibliothèque d’étude et du patrimoine, restaurée il y a une dizaine d’année par l’architecte des bâtiments de France, M. Letellier est aujourd’hui interdite d’accès pour des raisons de sécurité. En effet, des fragments de maçonnerie tombent de la coupole.
Parmi les bonnes nouvelles de l’actualité, Louis Peyrusse nous annonce que le château de Ginestous, grande bâtisse du XVIIe siècle élevée dans la périphérie toulousaine, va être sauvé grâce à Emmaüs et grâce à un chèque conséquent de la fondation du patrimoine.
Au titre des courriers reçus, la stèle de Montels, actuellement à Zurich, va faire l’objet d’une visite virtuelle avec une production video à 360 degrés, intégrant de nombreuses informations sur l’objet. Elle sera présentée dans la série Hommes sculptés dans la pierre qui sera disponible sur le site web du Musée national suisse. Une autorisation nous a été demandée pour intégrer notre stèle à ce projet. Louis Peyrusse a répondu favorablement à cette demande au nom de la Société. Le lien nous sera envoyé une fois la production réalisée ; il sera alors largement diffusé.
La bibliothèque vient par ailleurs de recevoir un don extraordinaire de Maurice Scellès : les dix volumes du glossaire de du Cange dans une édition superbement reliée de 1733. Le du Cange, rappelle le Président, intègre un lexique du Moyen Âge. Il y a donc 6 volumes constituant le dictionnaire et 4 volumes de supplément. Louis Peyrusse exprime sa reconnaissance au donateur au nom de la Société car il s’agit d’un exemplaire superbe et très coûteux, même si on le trouve actuellement en ligne, il nous sera désormais possible de savourer le plaisir de le feuilleter dans notre bibliothèque.
Étant donné le nouveau fonctionnement de relecture et de mise en ligne des procès-verbaux de la Société, Louis Peyrusse demande aux membres s’il est désormais nécessaire de consacrer du temps à les relire en début de séance comme on le faisait jusque-là, dans la mesure où les intervenants sont invités à chaque fois à vérifier la transcription de leurs propos. Cela permettrait, selon le Président, de gagner du temps pour la séance du jour. Daniel Cazes approuve ce système à condition bien sûr que tous les intervenants soient sollicités et surtout que ceux qui ont des remarques à faire les transmettent rapidement. Dans ce sens il propose d’informer tous les membres par courrier de ce nouveau système, de façon à les inviter à consulter régulièrement nos procès-verbaux sur le site de la Société et à réagir au plus tôt.

Puis il donne la parole à Céline Ledru pour une communication longue intitulée Le chapiteau ME 148, l’Incrédulité de saint Thomas et la Traditio Legis du Musée des Augustins, hypothèses sur les abaques des chapiteaux de la Daurade .
Louis Peyrusse remercie notre consœur pour cet exposé très intéressant. Il fait remarquer qu’elle présente dans sa communication une sémiotique des éléments qui n’attirent pas l’attention spontanément dans les chapiteaux historiés, car ils appartiennent au registre décoratif, et que l’on expliquait a priori autrement. Les gaufrures, par exemple, étaient interprétées comme une reprise des techniques des arts précieux. Cependant, si ce n’est pas seulement une organisation plastique est-on sûr de cette volonté de fidélité au texte ?
Selon Céline Ledru, il s’agit soit d’une fidélité au texte, soit d’une volonté de pousser le détail le plus loin possible, ou bien encore, d’un jeu intellectuel entre personnes connaissant le code. Quant aux fonds gaufrés, notre consœur avoue avoir travaillé sur ce détail et elle en a trouvé très peu. Par ailleurs, pour conforter son hypothèse elle a regardé de nombreuses collections de chapiteaux et elle a pu constater l’existence de plusieurs séries de systèmes. Dans des cloîtres espagnols par exemple, on note soit la présence de tours et d’arcatures, quand la scène se déroule à l’intérieur de la cité, alors qu’aucun arrière-plan n’est représenté pour indiquer l’extérieur, soit d’arbres qui meublent le fond quand la scène se déroule en dehors d’une ville alors que rien n’est représenté en fond quand on se situe à l’intérieur de celle-ci. Dans le cas du chapiteau présenté, il semble qu’il y a une conjugaison des deux permettant de pousser le détail dans la représentation. Notre consœur rappelle que son analyse reste une proposition d’interprétation alimentée par l’apparition systématique de ces détails. Pour elle, cela traduirait la volonté – émanant sans doute du commanditaire –, d’être au plus près du texte et de signifier sa finesse sur l’espace restreint offert autour des scènes sculptées du chapiteau.
Daniel Cazes dit avoir suivi la communication avec beaucoup d’attention. Il se rappelle avoir en effet rapproché ces fonds gaufrés des chapiteaux de la Daurade avec des objets d’orfèvrerie et le travail du métal (il croit se souvenir que c’est Émile Mâle le premier à avoir noté la transposition du travail du métal sur la sculpture). Dans le cas de la scène de l’arrestation du Christ, la gaufrure est plus fine et serait plutôt interprétée comme la vibration de la lumière émanant des torches puisque la scène se passe de nuit. Enfin, concernant les arcatures, les crénelages et les tours, il lui semblait plus simplement que cela permettait de situer la passion à Jérusalem. Cette représentation architecturale – parfois très fantaisiste –, est celle traditionnellement adoptée par les sculpteurs pour représenter la ville sainte. Son interprétation n’allait pas plus loin mais il reconnaît que notre consœur a raison de soulever des questions.
Céline Ledru répond que certaines petites scènes ou détails posent des problèmes d’interprétation. En effet, les arcatures représentent la cité, mais les tours crénelées ne sont pas toujours présentes. Peut-on qualifier ce détail d’aléatoire compte tenu de la finesse de la représentation sculptée qui par ailleurs foisonne de détails ? Le plus raisonnable, selon elle, serait de penser qu’il s’agit d’un choix délibéré. En outre, sur les chapiteaux qu’elle a étudiés, Emmaüs, comme Jérusalem, est représentée par des arcatures et des tours. Il manque enfin la couleur qui a pu donner d’autres informations.
Sur ce chapiteau habituellement interprété comme étant la représentation de l’Incrédulité de saint Thomas et pour lequel notre consœur propose d’y voir l’Apparition du Christ aux bons apôtres, Émeric Rigault aimerait avoir quelques développements. Il se dit particulièrement convaincu par la comparaison avec la miniature exposée au cours de la communication et se demande si d’autres exemples sculptés contemporains de ce thème sont connus. Céline Ledru reconnaît ne pas avoir cherché dans cette direction bien qu’elle ait noté l’existence d’un chapiteau décoré de cette scène en Espagne dont la composition est bien différente.

Louis Peyrusse passe ensuite la parole à notre trésorier pour une communication sur l’église Saint-Amans de Rabastens qui a récemment fait l’objet d’un diagnostic archéologique.
Notre Président remercie notre confrère pour son reportage abondamment illustré et demande à Jean Catalo de nous livrer son interprétation sur le mobilier.
Notre confrère évoque les dernières planches montrant le mobilier métallique trouvé sur le site par les riverains. Il s’agit dans tous les cas de boucles médiévales, en grande partie du XIIIe et du XIVe siècle, qui ne peuvent provenir que d’un cimetière. La dernière boucle décorée est selon lui exceptionnelle. Guy Ahlsell de Toulza confirme que tous ces objets seront déposés au Musée de Rabastens et étudiés par notre confrère Alexis Corrochano. Ce matériel exceptionnel, continue Jean Catalo, complète ce qu’il savait déjà du site. Il tient à préciser d’abord que les opérations de sondages de diagnostic, très encadrés, effectuées par l’Inrap, ont été faites sous la prescription des services de l’État et qu’elles sont destinées à estimer la qualité des vestiges, leur profondeur et l’épaisseur de la zone qu’ils occupent. Les tranchées permettent par ailleurs de donner une représentativité de la surface du site. Si c’est un cimetière, il faut donner une idée de la densité, du nombre de tombes (que l’on trouve en multipliant le nombre de tombes trouvées dans les tranchées par la surface du site). L’opération de diagnostic consiste donc à tester la nature des vestiges par les sondages. Les sarcophages trouvés aux abords de l’église Saint-Amans sont des cuves en pierre de type médiéval et non de type mérovingien. Le caractère exceptionnel de ce site, outre l’église et le cimetière qui l’entoure, consiste également en vestiges d’habitat situés de part et d’autre, l’ensemble étant cohérent et particulièrement bien conservé. La céramique recueillie est du XIIe-début XIIIe siècle avec des éléments comparables avec des poteries trouvés à Brens, ou des cruches très caractéristiques découvertes sur le site du village déserté de Montaigut (Lisle-sur-Tarn). Ce contexte XIIe-début XIIIe siècle correspondrait à l’abandon du site puisqu’aucune tombe, aucun vestige plus récent n’ont été trouvés. Quant aux vestiges plus anciens, il faudra attendre les fouilles pour les évaluer plus précisément. Il faut noter que la densité des tombes n’est pas aussi importante qu’au cimetière Saint-Michel de Toulouse, exemple de cimetière paroissial médiéval. Guy Ahlsell de Toulza fait remarquer que les nombreux sarcophages sous le sol de l’église témoignent d’une phase plus ancienne. Jean Catalo déclare qu’il faut se méfier des sarcophages qui sont des contenants que l’on réutilise sans arrêt, ils ne correspondent donc pas forcément au premier état de l’église.
Guy Ahlsell de Toulza dit avoir rencontré le Maire de Rabastens vendredi dernier à qui il a présenté le diaporama de l’opération de diagnostic. Celui-ci n’a pas caché son étonnement mais a déclaré ne rien pouvoir faire sans moyens. Une association de sauvegarde et de mise en valeur a donc été montée, notamment avec les familles de toutes les fermes voisines dont les ancêtres ont été enterrés sur le site. Il serait souhaitable de faire revenir l’église dans le domaine public en rachetant l’ensemble à sa propriétaire. Catherine Viers doit par ailleurs venir faire une étude de l’église. Il faut par ailleurs demander la protection des M.H. de l’église pour les peintures.
Jean Catalo fait remarquer que dans le cadre archéologique, la loi est assez claire : si le diagnostic a été lancé c’est que certains éléments du dossier ont conduit le SRA à le prescrire pour avoir des informations supplémentaires sur le potentiel archéologique. Ces informations seront données quand le rapport sera rendu, le SRA donnera alors son accord, ou non, en fonction du projet du futur propriétaire. Si ce projet est agricole, donc altérera le sol sur 20 cm, le Service devrait logiquement intervenir. On propose alors des fouilles au propriétaire qui seront financées par lui ou par le FNA, sinon le projet est arrêté. Il reste donc difficile de dire aujourd’hui ce qu’il va advenir du site car c’est l’État qui va juger de la faisabilité du projet envisagé.
Faut-il alors demander la protection des M.H. demande Guy Ahlsell de Toulza ?
Jean Catalo fait remarquer que la protection ne toucherait alors que le bâtiment alors qu’il s’agit d’un site complet et homogène : église, cimetière et habitat. L’idéal serait de conserver le site entier.
Daniel Cazes demande pourquoi la Municipalité n’a-t-elle pas préempté au moment de la vente. Guy Ahlsell de Toulza répond que le prix de mise en vente (108 000 euros) correspond au triple de la valeur de la parcelle estimée par la SAFER (35 000 euros), la mairie ne pouvait l’acquérir à ce prix. Le maire a donc demandé à notre Trésorier de faire sa présentation dans la salle de cinéma de Rabastens à destination de la population et du Conseil municipal. Jean Catalo remarque qu’il serait judicieux de demander aux archéologues de faire cette présentation en leur laissant le temps nécessaire pour donner toutes les explications et en découplant les problèmes patrimoniaux des problèmes administratifs.
Jean Catalo rappelle qu’aucune information ne peut être livrée tant que le rapport n’a pas été rendu. Il faudra attendre les résultats d’éventuelles analyses C14 et le SRA peut demander un complément d’informations ; le rapport sera donc rendu au plus tôt dans 3 mois. Aucune présentation du site ne devrait donc être faite au public avant la fin de l’étude des archéologues.

Haut de page